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بوح ياسمنة الرغاي : « Influenceurs et influencés : bienvenue dans l’âge de la futilité »

ECRIT PAR : REGHAI YASMINA

Imaginez un monde où les grands penseurs sont relégués au second plan par des influenceurs qui donnent des conseils « game-changers » sur l’art de choisir la bonne marque de chaussettes fluorescentes ou de découper un avocat sans perdre une goutte de son huile sacrée. Bienvenue dans notre réalité, ce merveilleux cirque numérique où la profondeur de la réflexion est inversement proportionnelle au nombre de likes.

Prenons un exemple fictif, mais tristement plausible. Dans un coin perdu d’une conférence universitaire, un éminent scientifique, lauréat de prix prestigieux, tente d’expliquer les dernières avancées en physique quantique. Trois personnes l’écoutent. Deux d’entre elles sont là uniquement parce qu’elles se sont trompées de salle. Pendant ce temps, à l’autre bout du monde virtuel, Shasha_la_Sauvage, influenceuse autoproclamée en « bien-être holistique et karaoké », entame un live sur son régime miracle : « Détox à base de chewing-gums bio et de shots de ketchup artisanal. » Résultat ? Cent mille spectateurs hypnotisés.

Un autre scientifique, lauréat de multiples prix internationaux, annonce un live pour expliquer les enjeux du réchauffement climatique. En parallèle, une influenceuse au CV limité à une chirurgie esthétique réussie et une danse TikTok virale lance un live intitulé : “Comment avoir un glow-up pour l’été ????”Résultat ? Le premier cumule un maigre auditoire de 67 spectateurs, majoritairement des bots, pendant que la seconde voit son compteur exploser à 120 000 fans hystériques prêts à noter chaque mot comme s’il s’agissait de la nouvelle constitution universelle.

Nous vivons à une époque fascinante où un tuto sur comment boire de l’eau correctement peut engendrer des millions de vues, tandis qu’un article rigoureux sur l’intelligence artificielle est taxé de “trop prise de tête”. Où la quête de sens a été remplacée par une obsession pour des « produits miraculeux”que même les influenceurs eux-mêmes n’utilisent pas.

Il est assez ironique de constater que plus nous sommes connectés, moins nous sommes éclairés.

Il faut dire qu’aujourd’hui, il est bien plus captivant d’apprendre à réaliser un smoky eye parfait que de comprendre pourquoi le climat change. L’audience est fascinée par des débats d’une profondeur vertigineuse comme : « Faut-il vraiment tremper ses frites dans la mayonnaise avant le ketchup ? ». Et tant pis si, en arrière-plan, la fonte des glaciers accélère ou si la démocratie vacille.
Comment expliquer cet engouement ? Peut-être avons-nous, au fond, un goût irrésistible pour la légèreté, une fascination coupable pour ceux qui brillent sans effort. L’intelligence nous fatigue, mais la futilité nous rassure. On préfère suivre quelqu’un qui danse maladroitement sur TikTok que lire un article sérieux (comme celui-ci, peut-être ?).
Les réseaux sociaux, censés démocratiser le savoir, sont devenus un vaste terrain de jeu où règnent les rois et reines de l’insignifiance. Des légions d’adolescents – et avouons-le, beaucoup d’adultes – s’extasient devant les vidéos de déballage de colis sponsorisés par des marques douteuses, tout en snobant les documentaires de la BBC.
Car oui, qui a encore le temps d’écouter un astrophysicien expliquer les mystères de l’univers quand une influenceuse peut nous dire que “le secret du bonheur, c’est de rester positif et de faire des masques à l’avocat” ?

Mais attention, tout cela ne serait pas si grave si ces « personnalités » se contentaient de faire rire ou de nous distraire. Le problème, c’est qu’elles s’infiltrent dans nos prises de décisions. Pourquoi écouter un médecin qui a passé 12 ans à étudier quand une coach bien-être au sourire colgate nous jure que boire de l’eau bénite à paillettes soigne tout, du mal de dos à la calvitie ?
Shasha_la_Sauvage, encore elle, n’est pas seulement une source d’inspiration pour ses fans. Elle devient leur guide, leur oracle. Et si elle affirme qu’il faut dormir les pieds en l’air pour attirer les bonnes ondes cosmiques, alors tous les matelas se vendront avec une option « suspension murale ».
Le problème n’est pas seulement dans les contenus. Il est dans les algorithmes qui nourrissent notre addiction à l’instantané et au superficiel. Ces cerveaux artificiels nous poussent à privilégier le sensationnel au rationnel, à consommer des idées vite faites, mal pensées, mais parfaitement emballées. Et nous, pauvres mortels, avalons tout cela comme une boîte de fast-food émotionnel.
Qui peut résister à une vidéo “shocking” sur un complot imaginaire impliquant des élites extraterrestres ? Certainement pas ceux qui considèrent Wikipédia comme une source trop complexe.
Bienvenue dans l’ère de la surconsommation de vacuité. Un monde où les étoiles ne brillent plus que dans des vidéos TikTok et où les vérités scientifiques sont remplacées par des “conseils avisés” d’influenceurs spécialisés dans l’art de ne rien dire. C’est un peu comme si la planète Terre était devenue un gigantesque supermarché où les rayons sont remplis de gadgets inutiles, de pensées superficielles, et où l’on fait la queue pour acheter la dernière mode : la bêtise.
Car l’appel du glamour est plus fort. Un simple swipe et c’est l’égérie des dernières tendances mode qui partage ses réflexions profondes sur… comment se maquiller sans se faire de rides.
Ce phénomène est d’autant plus inquiétant qu’il n’est pas limité aux adolescents en quête de validation sociale. Oh non, la magie des vidéos de 30 secondes parvient à captiver aussi bien des adultes – et pas n’importe lesquels, des adultes censés, des experts dans leurs domaines respectifs. Ces derniers sont désormais plus enclins à suivre en live les péripéties de célébrités “révoltées” qui nous prodiguent des conseils en tout genre : de l’art de consommer sans réfléchir, jusqu’à celui de faire preuve de discernement… tout en grignotant des chips devant un écran. Le cerveau humain, visiblement surchargé, n’a plus qu’à s’incliner devant les lois du marché de l’absurde.
Ironiquement, cela reflète une époque où l’on choisit volontairement la légèreté d’un divertissement stérile sur la profondeur de la connaissance.
L’influenceur au maquillage parfait nous parle de “libération” pendant qu’un médecin ou un chercheur se débat dans des articles complexes, incompris et ignorés.
En fait, la vraie question qui se pose ici est la suivante : pourquoi perdre du temps à écouter des individus dont la seule compétence semble être de vendre des illusions ? Pourquoi se fatiguer à comprendre un sujet en profondeur quand un simple mème peut vous donner la réponse ? Allez, après tout, c’est bien plus fun de se perdre dans l’immensité d’une story Instagram, où la profondeur est un concept aussi abstrait que l’optique quantique.

La situation est-elle désespérée ? Peut-être pas totalement. Il existe encore une minorité résistante – ceux qui lisent des livres, écoutent des experts et osent remettre en question les absurdités ambiantes. Ces personnes sont comme des pandas en voie d’extinction : rares, mais précieuses. Peut-être qu’un jour, elles parviendront à ramener un peu de bon sens dans cette jungle digitale.

En attendant, chers lecteurs, gardez un œil critique et une bonne dose d’humour. La prochaine fois qu’un influenceur vous conseille de jeûner pendant 72 heures « pour libérer votre chakra du portefeuille », pensez à ce vieux scientifique qui, dans une salle vide, essaye encore de sauver le monde.Mais bon, entre nous, je sais bien que vous préférerez sûrement savoir où la dernière star de la télé-réalité a passé ses vacances.Et si cela ne suffit pas, souvenez-vous : le rire est aussi une forme de résistance. Alors riez, mais pas trop fort, sinon Shasha pourrait en faire un nouveau hashtag.
Restons optimistes : le monde peut bien continuer à brûler, tant que nous avons un filtre parfait pour immortaliser l’instant.

#SurvivreDansUnMondeDeFiltres

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